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On dirait une baleine ?

Le 16/12/2006 à 15h17 (heure française)
8°01N / 27°36W

Voilà un mois et demi que nous sommes partis de Lorient. Le Golfe, Le
Portugal, Les Canaries, hier Le Cap Vert et aujourd’hui L’Atlantique.
Que d’ aventures et d’expériences nouvelles en si peu de temps.
Apprendre à vivre à trois, s’organiser pour faire marcher le bateau,
surmonter les petites et grandes pannes, veiller à garder le bateau en
bon état et ranger, la cuisine, la pêche. Et surtout la découverte de la
voile et de la haute mer. Hormis quelques classes de mer en Optimiste à
l’école primaire sur l’étang du Ter près de Larmor, mon expérience de
voile se résume à quelques sorties plutôt tranquilles entre Groix et
Lorient avec le First 27 de mon oncle François. Ma première nuit en mer,
c’était cette année lors de la Minifastnet où nous avions suivi la
course comme bateau accompagnateur. Et pour me rassurer nous avons tout
de même été sur deux démâtages…Engageant !!

Le départ de Mindelo Sao Vicente au Cap vert était très attendu, une
fois le matériel satellite récupéré, nous avons mis les voiles. C’est
donc dimanche matin les yeux encore fatigués du grand concert de la
veille organisé justement devant le port, que nous partons. A nous
l’Atlantique !!! Les rencontres faites au mouillage de Mindelo sont là
pour nous souhaiter bonne chance et bon vent. Il y a Vincent du Ty
Krampouz, belle personnalité qui a eu la gentillesse de nous offrir une
initiation de kytesurf et de délicieuses crêpes , Lionel et Julie qui
naviguent sur un superbe musée flottant, riches de conseils pour la
pêche à la dorade, les jeunes ingénieurs de Lille « Au fil de l’étrave
» qui nous ont aidé pour la rénovation de notre vieille radio BLU. On
leur souhaite une bonne réussite pour la réparation de leur safran. Et
Ronan qui voyage avec femme et enfants, qui se souviendra des trois clic
!!! Ce matin, le ciel est couvert, le vent souffle plus fort que
d’habitude, la houle s’écrase plus violement sur l’épave au fond de la
baie Mindelo. Le bulletin météo d’il y a trois jours prévoyait trente
nœuds. Conscients d’avoir un bateau qui tient bien la mer et surtout
tellement excités d’aborder la traversée, l’hésitation pour retarder le
départ d’un jour ou deux n’est que très brève pour chacun des membres du
Lick Samba. Tous bien conscients de toucher la réalité de ce rêve
d’enfant. Trois grands sourires rayonnent sur le bateau. Les cœurs
s’accélèrent et même quelques frissons courent le long des bras. Je sais
que les conditions dehors seront rudes. Mais on savoure ce départ.
Effectivement, une fois la Pointe Amélie passée, le vent et les vagues
reprennent toute notre attention, le vent souffle non pas à 30 nœuds
mais plutôt 38 avec de très ou trop fréquentes rafales à 40. La Mer est
blanche argentique avec de temps en temps des embruns arrachés de la
crêtes des vagues!!! La houle qui ricoche sur les falaises de San Antão
et de Sao Vicente est croisée et très difficile à manier. Evidement je
repense au Golfe de Gascogne, espérant que la mer ne se creusera pas
plus…Vient la nuit et la reprise de nos quarts. On s’organise ainsi :
celui qui est en forme prends le premier et on tourne toutes les 3 à 4
heures. Cette fois c ‘est le pilote automatique fraîchement opérationnel
qui va prendre un peu le relais. N’y voyant rien dans ce début de nuit
sans lune ou n’entendant que trop tard les déferlantes frapper le
bateau, le pilote lui est beaucoup plus à l’aise. Le bateau est tout de
même soumis à rude épreuve retrouvant ses gémissements inquiétants de
grincement de cloisons déjà bien connues. Avec Guillaume nous décidons
de faire une partie de son quart à deux. Assis l’un a coté de l’autre,de
temps en temps accrochés l’un à l’autre, nous admirons le spectacle des
déferlantes attendant celle qui remplira de nouveau le bas de ciré !!
Dans la nuit, les conditions se calment un tout petit peu. Je prends le
dernier quart, Pierre me donne ses sensations, son cap, et ses
merveilleux conseils. Tout au long de se quart, je suis rivé au compas :
210°. Pas d’étoile pour guider le barreur. J’écoute et suis le vent sur
l’anémomètre. Ça ne mollit pas vraiment 30 à 36 nœuds !!!. « Si ça
forcit, abat un peu !! » Ok ! on fait pour le mieux. De temps en tant
une vague plus grosse ou mal orientée ou par inattention frappe le flanc
du bateau, monte, et retombe dans le cockpit et le long des vêtements
dans un grand bruit particulier de dégoulinement ... Un peu fatigué, il
m’arrive de me demander ce que je fais là. Pestant conte le ciel, cette
dernière grosse vague, le soleil qui n’arrive pas. Et puis enfin la
lueur, la mer se dessine, se range un peu plus, facilitant son
chevauchement. L’esprit peut se libérer de la boussole et des conseils
de Pierre et voguer seul. J’imagine le Brésil, l’Argentine, le surf et
l’eau chaude, la prochaine pêche de dorades avec mes lignes nouvellement
customisées, mes amis à Mara del Plata. Et puis il y a une masse dans
l’eau, un petit déferlement qui ne colle pas avec celui de la houle ? Un
tronc ?Un arbre ? Un container ? L’objet non identifié est droit devant
je lofe pour le laisser sous le vent. Et je vois un énorme souffle !!
C’est une baleine, une énorme baleine . Je suis en train d’éviter une
collision avec une baleine !!. Sans voix, halluciné je ne peux réveiller
personne. La baleine force tranquille de la taille d’un dinosaure,
flotte à la surface de cette mer remuée. Se rapprochant du bateau, se
dessine sa bosse, son rostre avec l’énorme trou béant par lequel sortent
des geysers bruyants, et sa bouche mal fermée, semblant peu hermétique
!!!… Ne bougeant pas et pour une fois intriguée, elle passe à un mètre
sur mon tribord, change de cap et nous fait suite pendant quelques
secondes. Aucun mot n’a pu sortir de ma bouche pour réveiller Pierre et
Guillaume. Effrayé de talonner une baleine, ravi de cette entrevue, je
n’y crois pas. Je trouve mes réponses à pourquoi je suis là et pourquoi
ça en vaut la peine !!! Une baleine !!!

Nous arrivons dans le 7° parallèle. L’alizé se cale, le bateau file,
tout devient agréable, les dorades mordent à mes lignes ! On les cuisine
sous toutes leurs formes, l’eau dépasse les 28° degrés. Nous sommes au
milieu de l’Atlantique heureux d’être là. Nous attendons le fameux Pot
au noir. Avec ses grains orageux pouvant cracher du vent à 50 nœuds
paraît-il. En route pour le Brésil !!!


Gildas

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