Newfoundland
Le 16/08/2007 à 03h00 (heure française)
47°400158N 58°137004W
Newfoundland, la côte sud
Depuis que le grand navigateur et explorateur James Cook a donné au 17ème siècle cette île immense à la couronne d’Angleterre, Terre Neuve est connue pour l’abondance de sa faune marine, ses paysages, redoutée pour son climat : associant bancs de brumes et grains, tout ça dans le froid…
Rien qu’à l’évocation de ce nom, les visages se ferment dans les chaumières bretonnes, et notamment dans l’arrière pays de Saint Malo qui a vu partir bien plus de gars qu’il n’en a vu revenir…Les mousses qui devaient embarquer se cachaient, et les Terre Neuvas se signent en se remémorant leurs saisons passées….Et il fallait aller les chercher loin, les volontaires, loin dans les terres ! Les marins ne voulant plus aller se risquer dans ces eaux grises, les mousses étaient « vendus » par leur famille de paysans qui y voyaient une entrée d’argent sûre et une bouche de moins à nourrir en période de disette.
C’est qu’elle était dure, la saison de pêche à la morue à Terre Neuve ! On en revenait certes à cale pleine, mais au prix de pêches angoissantes, en DORIS, barque à rame et à voile qui s’éloignait du bateau-mère à la journée. Malheur à celui qui se faisait prendre dans un banc de brume ou qui tombait à l’eau, il n’était pas près de revoir sa Bretagne !
C’est cette ambiance qu’on est parti chercher en mettant le cap vers Terre Neuve au départ de la Madeleine…2 îles proches mais bien différentes !
Une nuit. Une nuit de navigation et nous voilà dans un autre monde. Celui de l’immensité, du no man’s land, de la brume, de l’humidité, des micro communautés. Terre neuve. 470000 habitants pour une surface de 5 fois la Bretagne. Cap aux Basques, Rose Blanche, Grand Bruit, Burgeo, Grey River, le François. Des noms de village que vous trouverez peut être sur une carte détaillée, encore qu’il vous faudra vous concentrer minutieusement ! C’est là, pendant plus d’une semaine, que nous allons découvrir Terre Neuve et goûter à ses mystères.
Nous arrivons au petit matin, déjà les falaises de terre Neuve (Newfoundland en anglais) se dressent imposantes laissant apercevoir entre les bancs de brume les premiers fjords qui caractérisent cette côte. De nombreux cargos et traversiers nous croisent entrant, sortant du golfe du saint Laurent. De superbes dauphins à nez blancs nous accompagnent sautant près du bateau, puis repartant rapidement à la pêche. Ce sont des dauphins bien plus robustes que ceux vus jusqu à présent. Ils mesurent jusqu’à 3 mètres. Ils possèdent une grande dorsale grise et un bec court, blanc. Ils sont amateurs de cabrioles aériennes pour notre plus grand bonheur. Mon quart se termine, Caroline prend la suite. La brume nous envahit et le sommeil me gagne. A mon réveil, nous sommes déjà à Port aux Basques. Ici, tout est fait pour la brume. De grands miroirs disposés le long de la cote et des ilots réfléchissent de puissantes lumières, dessinant et prévenant d’éventuels et pourtant tellement fréquents échouages. Port aux basques est l’une des plus anciennes cités de Terre Neuve, et donc du Canada et par là même de l’Amérique! Vers 1500, avant Christophe Colomb, une flotte basque s'est installée ici, et a construit un port pour établir un centre de commerce du poisson.
Attirés par les grands fjords, les insoupçonnées waterfall, grâce aux merveilleux conseils d’Ernest, un plaisancier canadien et son guide nautique qu’il nous offre en partant, nous décidons de continuer la découverte de Terre Neuve par la baie Rose Blanche. C’est un fjord assez étroit qui rentre dans les terres en réalisant un S. Nous dépassons le village de Rose Blanche. Un quai, quelques maisons. Fait suite un étroit chenal, 10 mètres de chaque coté, bordé par 100 mètres de falaises. Je vous laisse imaginer les sensations. Après ce chenal, s’ouvre un grande baie : Lobster Cove. On amarre le bateau : une ancre, un bout à terre. Bien calé dans un petit coin de la baie, commence l’attaque des mouches noires. Peu importe, une énorme cascade se profile. On saute dans l’annexe et découvrons ébahis cette chute d’eau blanche qui coule le long d’une ravine abrupte fait de roches noires. La végétation aux alentours est tellement dense, que pour explorer l’intérieur seul le lit de la cascade nous offre un chemin que je dirais à peine praticable. Pourtant, une fois en haut, devant nous un splendide paysage : enchaînement de collines, de lacs, vierge de tout chemin. La végétation est une toundra. Un paysage fait de petits buissons, de mousses et de lichens et presque dépourvu d’arbres. Le tout très humide. On oublie vite ce que peuvent être des chaussures sèches…
Dans l’euphorie des ces paysages grandioses, on en aurait presque oublié nos fameuses mouches noires carnivores ! Cependant le visage déjà enflé de Guillaume, les traces de sang sur les oreilles de Fifette et le bord des yeux de Caroline, nous invitent à ne pas tarder par ici, et à rentrer avant la nuit au bateau. Chacun son chemin et nous dévalons vers la cascade. Hors de question de rester immobile sinon c’est la morsure, la petite goutte de sang et la démangeaison assurée ! Il en y a des dizaines autour de nos têtes, ça rentre dans les oreilles. Ça rend fou. Alors on court… Une rapide baignade sous les flots de la cascade nous offre un répit de quelques minutes avec nos nouvelles amies vampiresses ! Ayant perdu mes fringues dans la cascade, je décide de me diriger vers le bateau en nageant, poursuivi malgré tout par les mouches. Je me retrouve au milieu de la petit baie avec seulement une casquette pour éloigner nos horribles agresseurs, m’aspergeant à grande eau, attendant mes sauveurs et le dinghy !!
Le lendemain, nous reprenons la mer pour Grand Bruit. Un autre village de pêcheur, accessible uniquement par la mer. Ici, le temps semble être arrêté, figé par le bruit incessant de la cascade qui trône au milieu du village. A droite, à gauche, de magnifiques maisons colorées. Rouge et blanc, vert et bleu, jaune et mauve…, le plus souvent sur pilotis. Le Lick se plaît dans ce superbe endroit. Nous pouvons sans inquiétude le laisser profiter du ponton pendant que nous partons en exploration. En haut du village un grand lac et très loin au nord les montagnes Blue Hill, en face les petites îles de Harbour Island. Aujourd’hui il fait beau alors pas de temps à perdre. On file les visiter en dinghy. Une exploration des fonds marins en plongée puis des splendides rochers de granit : blancs lisses en forme de baignoires, parfaits pour la sieste. De retour sur le continent, nous entamons avec Guillaume une des plus belle randonnées de notre voyage, aux pas de course vers Blue Hill !! Se succèdent des vallées, et nous voilà au milieu d’un décor splendide, vert, avec une myriade de petits lacs. Une immensité juste pour nous et le labrador noir qui est ravi de trouver de nouveaux compagnons de course. Finalement après une bonne heure, sur cette végétation mousseuse et humide, s’élèvent devant nous les falaises de Blue Hill. 1028 pieds. D’en haut, on se rends compte de l’immensité, de la pureté, de la beauté de Terre Neuve. Une énorme cascade nous attire l’œil, on irait bien voir derrière, voir plus loin. Malheureusement la brume fait son apparition. Le chemin du retour est long et on ne voudrait pas se perdre, être mangé par les mouches noires et les plantes carnivores du coin !!! Pendant ce temps là, Caro Fifette et Pierro sont sur le chemin du Sandbank trail. Un superbe banc de sable et une formidable ballade côtière. Une énorme balise est échouée là, sur la plage. De retour au bateau, les trois gars, on improvise avec le dinghy une partie de pêche aux maquereaux. Euh au maquereau ! De retour, un pêcheur rigole bien et nous offre six beaux filets de morue. Un régal. Et quelle journée !
Un passage rapide à Burgeo, et son fameux festival. Nouvelle expérience, nouvelle danse : La Gigue… et nous voilà à Grey River. Navigation dans la brume. Dans la bulle. Et la magie commence. Une carapace noir sort de l’eau et vient percer notre tranquillité. Une tortue Luth, énorme, longe le bateau à moins de un mètre. « Quoi, quoi, j ai rêvé, une tortue ici, impossible ? » et pourtant si, la tête hors de l’eau, elle disparaît doucement dans la brume. Nous laissant à notre bulle si calme. L’entrée de Grey river entre les falaises, apparaît sur notre radar bien avant de l’avoir en visuel. En effet, visibilité à peine 100 mètres. Alors soudainement la côte apparaît. L’entrée fait 30 mètres de large. Sur l’eau, la limite eau douce, eau de mer est franche et nette, verte et noire. Les falaises sont rouges, roses. On ne distingue pas leurs sommets. Au fond le petit village de Grey River est posé là, encaissé entre deux montagnes. Pas de route, pas de chemin, aucun accès. Sous la brume, l’endroit est désolant. Les couleurs ne s’expriment plus. Une pancarte délavée « welcome to Grey River » est cachée par un échafaudage ! Trois locaux sont sur le ponton du traversier, le seul. On s’y amarre, sous leurs yeux timides et amusés. Petit à petit avec la tombée de la nuit , dans la brume, sous l’éclairage oppressant des quelques lampadaires, un étrange défilé débute. Par groupe de quatre, cinq, avec une démarche lente et ballotante, tout le village passera sur le quai. Pour voir ! Peu de discussions seront engagés malgré la merveilleuse odeur des crêpes de Fifette qui s’échappe du bateau. Ce défilé presque angoissant durera très tard dans la nuit. Mais notre sommeil n’en sera perturbé de cauchemars. Drôle d’escale que Grey River, mais Terre Neuve, c est comme ça. Et quel charme.
Notre dernière escale sera le François. fabuleux ! Retour en France, en route pour Saint Pierre et Miquelon…
Gildas et Guillaume
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