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De l'autre côté du mur...

Le 12/07/2007 à 18h17 (heure française)
32° 17'94 N / 64° 38'10 W

De l’autre côté du mur…

Bon maintenant c’est du sérieux, mes petites responsabilités de capitaine commencent à me nouer sérieusement l’estomac ! Certes, l’escale Bermudienne nous a bien requinqué, nos émotions sous les grains tropicaux annonçant une saison cyclonique débutante appartiennent déjà au passé ! Certes notre bateau est plus beau que jamais, son équipage prêt à affronter les coups de vents de l’Atlantique Nord !
Mais je sais trop combien la navigation à venir sera coriace et passionnante à la fois. A nous les bancs de Terre Neuve et ses brumes interminables, ses eaux glacées portées par le courant du Labrador, véritable torrent de glaçons jusque mi Juillet, charriant des icebergs nés de la débâcle printanière des glaces du Groenland !
Pour monter des Bermudes en Nouvelle Ecosse, nous devons traverser la zone de tous les contrastes, l’endroit où naissent toutes les dépressions qui viennent animer vos bulletins météo (particulièrement en ce début juillet m’a t-on dit…) ! Le Gulf Stream et le Labrador ont rendez-vous avec nous, vers 37° Nord : de l’eau à 7-8° se frictionne à de l’eau à 27°, les poissons volants mutent en morues en quelques milles, le paille-en-queue passe le relais au puffin, le bronzage colle aux sous-couches polaires dans les cirés dégoulinant de brume, alors que, 30 milles avant, vous vous passiez la crème solaire! Mais qu’est qu’on est venu faire là ! Pourtant j’y étais déjà venu trois ans plus tôt à bord du trimaran de Franck Yves Escoffier ; j’avais alors juré qu’on ne m’y emmènerai plus, allant même jusqu’à menacer d’arrêter la voile…au moins 5 minutes, entre deux verres au bar de la pointe ! Mais de passer à moins de quinze milles de Saint Pierre puis à moins d’un mille des Iles de la Madeleine, sans même les entrapercevoir dans la plume vous colle des remords, avec pour seul souvenir le son de la corne de brume mugît par la balise d’entrée de la passe de Cap-aux-Meules… Et Hervé Hamon, qui accompagne notre navigation au travers son livre « besoin de Mer », n’est pas là pour me consoler :
« Il faut le mériter, cet archipel aux contours d’hameçon, grappe de terre unies, pour la plupart, sur une soixantaine de kilomètres par de longues dunes. Pas de charters, pas de vols directs, le touriste, en la circonstance, a fermement sélectionné son objectif, et le touriste d’un même élan revêt une qualité spéciale. Observation des blanchons, à la fin de l’hiver, pêche au sébaste, quête du grèbe cornu et du pluvier siffleur - les visiteurs des Madelinots ne sont pas là par hasard . »
Non, vraiment, c’était trop fort, un petit détour de 800 milles est si vite fait : il fallait y revenir !
Les bulletins météo transmis par notre BLU (récepteur radio longues ondes qui permet de recevoir les cartes météo à l’aide d’un ordinateur) nous annoncent placidement que nous quittons notre vieil ami l’anticyclone des Açores pour un défilé de perturbations qui, en touchant les bancs de Terre Neuve prennent ensuite les doux noms de Gale puis Storm (coup de vent puis tempête). Sur les cartes sont aussi dessinées deux courbes sinueuses et parallèles nommées « North Wall et South Wall » … Il va falloir les escalader, ce sont les bordures du Gulf Stream . Au début, on en rigolait, pensant aux baignades, à l’eau à 28°, aux parfums Mexicains qui agrémenteraient notre dernier apéritif avant le Labrador ! (car le courant vient du golfe du Mexique d’où son nom). Puis, un front froid virulent s’est invité à notre petite partie, alors que nous étions en train de gravir le « North Wall », fiévreusement, dans de l’eau à 27,7°. Voilà qu’il nous refait le coup du cumulonimbus géant, agrémenté de trombes d’eau, d’éclairs à s’en crever les yeux. Heureusement, la nuit d’encre nous enveloppant nous volait la part la plus angoissante du spectacle. On a foncé tête baissée dans le stroboscope géant (pas tromboscope cette fois ci, quoique « pas vu pas pris » dans le noir qui sait…) et le ciel nous est littéralement tombé sur la tête ! Trois riz trinquette, 35 nœuds dans les claques et 5 milles après, la mer qui venait de perdre 5 degrés nous libérait de l’orage, ouf ! A nous la brume et le radar maintenant !

PIERRE

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