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Naviguer sur les étoiles !

Le 27/12/2006 à 12h39 (heure française)
00° 58 N / 34° 57 W

Notre traversée : l’Atlantique. Ça fait bientôt 15 jours que nous sommes partis de Mindelo Cap Vert puisque nous avons largué les amarres le 11 décembre 06. 15 jours et oui ! Ca peut paraître long, fastidieux, ennuyeux, répétitif, angoissant, stressant. Mais c’est plutôt enivrant, divertissant, enrichissant, émouvant, surprenant, époustouflant, et à rebondissement…
Evidement, même si je n’ai pas beaucoup d’expérience, je pense que notre transatlantique, ( qui n ‘est pas terminée…) est peu banale, et même extraordinaire. Un pot au noir électrique, une succession d’avaries, et ce satané moteur qui nous coule une bielle !!. Nous sommes bons pour zigzaguer sur ce terrain de jeu que sont les tropiques et presque doubler la distance à parcourir…Tout ceci joue sur les nerfs et le moral de l’équipage. Nous avons maudit ce Pot au noir et même ce bateau tellement nous étions fragiles et impuissants quant à la bonne suite de notre aventure vers le Brésil.
Ne sachant comment franchir cet équateur nous avons décidé de nous détourner sur les Antilles. Nous avons tout de même trouvé le sursaut pour reprendre le bon cap de notre aventure solidaire. A cette décision, il faut remercier Guillaume qui a trouvé ce formidable staff à terre nous ouvrant la route du sud, trouvant la faille dans cette zone de convergences où les vents des deux hémisphères s’annulent. Il faut tirer un coup de chapeau à Pierre notre capitaine qui a su changer de cap au bon moment et trouver le courage de ré affronter ce Pot au noir. Et surtout nous vous exprimons toute notre gratitude pour vos messages de soutien, d’encouragements, qui ont largement joué dans la balance de cette décision. Cette aventure ne s’arrêtera pas aux Antilles et on découvrira ensemble l’Amérique du Sud !!
15 jours de mer…une autre vie qui commence. Une vie simple, hachée où de nombreux sens se mettent en éveil. Bien souvent elle commence par un café que prépare Guillaume au réveil ou à la fin de son quart. On écoute RFI ( Radio France Internationale) la radio longues ondes qui nous offre tous les matins les horreurs des infos, des guerres, mais surtout la météo marine. J’installe les lignes de pêche, et rêve discrètement qu’aujourd’hui ce sera une orgie de daurades…Déjà le soleil est haut situé et commence à mordre notre peau peu faite pour ces latitudes. La solution, c’est la crème solaire, le T-shirt et surtout ce que l’on préfère : le body surf tracté. Même si l’eau est autour de 30° c’est un régal de rafraîchissement…Le body surf tracté : à 3 nœuds ça va. Une petite baignade qui permet même de se balader sous le bateau en s’accrochant du safran à la quille...à 7 ou 8 nœuds, c’est une autre histoire : bien accroché au bout transformé en poignée, ça devient du sport. Comme dirait Nico du Cap Vert ( grand phobique des requins ne pouvant se baigner au milieu de l’océan !! ) : on ressemble cette fois vraiment à des asticots au bout de leur ligne, rebondissant sur la surface de l’eau !!! Et puis il y a les seaux d’eau qui font également plaisir à nos petits pieds brûlés par le tek du pont bien trop chaud…
Ensuite, souvent Pierre rentre en jeu pour régler le bateau, les voiles, le nouveau cap. Toujours plus vite on a assez pris de retard comme ça !!! Entre deux ou trois ou quatre ou dix écopages … ! Il est bien temps de préparer le déjeuner. Avec Guillaume on use d’ingéniosité et de créativité pour donner à nos repas un peu d’originalité. Sauf que trop pimenté, c’est trop pimenté Guillaume !!! Bref on devient des pros de la daurade : daurades grillées, daurades à la mexicaine (un peu trop pimenté donc…), boulettes de daurade, estouffade de dorade au four (eh oui !!!), et notre préféré, la tagine de daurade sans safran ni curcuma mais au gingembre et piment doux.( on fait avec ce qu’on a !) Un vrai délice.
Après tout bon repas, quoi de mieux qu’une sieste douce et moite bercée par le roulis du bateau. S’il fait vraiment trop chaud dans nos cabines, il y a la solution de s’allonger sur notre défunt génois. Plié en vrac sur le pont du bateau. Il offre un super matelas, il y a juste le risque d’être réveillé par les embruns d’une vague un peu plus haute que les autres, surtout si c’est moi qui barre…
Et puis, il y a le spectacle de la mer. Les poissons volants, toujours, qui maintenant par nuages entiers, décollent quand le Lick vient les déranger, coupant leur banc en deux. Il y a les oiseaux marins (pétrels, fous et grands goélands enfin ça y ressemble un peu) qui se retrouvent de temps en temps en bande au dessus de l’eau. Ils nous offrent de magnifiques plongeons chassant aussi le poisson. Ceux-ci nous narguent, faisant des bonds de 50 cm hors de l’eau pendant ou juste après un grain pluvieux, bizarre… Il y a aussi ces quelques sacs plastiques, bidons et même poubelles entières abandonnées par d’autres navires ou cargos qui flottent à la surface. Ils arriveront certainement avant nous sur les plages du Brésil…!
Il y a ces heures de barres qui enivrent qui étourdissent qui fatiguent. Ces heures qui rendent fou quand le vent s’arrête. Qui nous font exulter de bonheur quand il repart. Le bateau reprenant alors sa glisse et ces petits surfs…Ces heures de barre qui pour moi étaient impossibles il y a deux mois, et qui désormais sont mon quotidien. J’arrive même à savoir s’il faut réduire la toile ou le génois à la façon dont l’étrave s‘écrase et se freine…Ces heures de barre largement propices à la rêverie, à la méditation, à la contemplation. Toutes ces pensées qu’on n’a pas le temps d’écouter à terre. Ici il n’y a plus grand chose pour perturber nos songes. Surtout la nuit pendant nos quarts. C’est pendant ces moments que naissent nos textes et qu’on pense à vous.
Les couchers de soleil !!! De plus en plus forts à mesure que l’on s’enfonce dans le sud. Les nuages tournant dans ce coin du monde s’embrasent et prennent toutes les nuances du soleil. Du jaune aux mauves. Il y a en premier plan le cumulus qui reste noir une fois hors de portée de la lumière du soleil. Il rentre en contraste avec le cumulonimbus sur l’horizon qui lui reste d’une blancheur impeccable. Le cirrus, le stratocumulus et autre altocumulus bien plus hauts dans le ciel , eux, prennent les couleurs du soleil caché derrière l’horizon. Je vous laisse imaginer ! On ne pourra jamais s’en lasser.
Après une soupe et souvent une risée citron vert, sous un ciel noir étoilé mais sans lune, il est temps de s’organiser pour nos quarts de nuit. On tourne toutes les 3 heures ! Finies les grandes nuits de 9 ou 10 heures de sommeil. Finies les paresses au lit entre deux demi sommeils. D’autant que sur nos éventuelles 6 heures de sommeil il faut en moyenne se lever 2 à 3 fois pour écoper !! Je viens réveiller Pierre, il dort sur le dos, étonnamment, sa respiration est calé sur le rythme du roulis du bateau. On vit et dort au rythme du Lick Samba…. C’est fatiguant, surtout, mais quel bonheur de barrer la nuit. Avant hier , un peu après minuit, dans une petite panne de vent, une lumière est sortie de l’eau. Plus exactement un champ de luminescence irréaliste entoura le Lick. Un émerveillement. Est-ce une veine de courant océanique ? Un rendez-vous amoureux pour tous les planctons du coin ? Un banc gigantesque de poissons dormants ? Bref toujours est-il que la mer se transforme en ciel étoilé, tacheté de points ultra lumineux. Ici la constellation de la baleine. Ici la constellation de la dorade. Là, la constellation du dauphin…Au milieu de cette voûte océanique, le safran du bateau laisse filer milles nuages de lumière dans son sillage. Debout sur les coffres arrières, au sommet de la plus haute crête de vague, le spectacle est époustouflant, grandiose, à perte de vue. Je navigue sur les étoiles !!!
Enfin ces journées sublimes se terminent par un lever de soleil. Se laissant toujours désirer, la reprise des contrastes est lente et majestueuse. Il y a toujours un moment ou plus exactement un instant où le jour reprend son droit. Alors la couleur de la mer est si particulière, vermeil peut être, qu’on a hâte au lendemain pour saisir de nouveau cette éclipse du temps !!
Aujourd’hui, c’est un jour un peu exceptionnel: C’est Noël ! En ce jour de fête, nous avons été largement gâté. Passage imminent de l’équateur, et surtout en fin d’après midi, visite d’une trentaine de grands dauphins. Cette fois ni une ni deux, on se jette a l’eau avec les masques. Oui enfin ! Ce qui est pour nous tous un rêve, est réalisé le 24 décembre 2006. 30 minutes à observer les dauphins sous l’eau accrochés au safran du bateau, oubliant de respirer !!! Les dauphins petit à petit sont moins craintifs et remontent des profondeurs pour jouer et danser dans les trois dimensions autour du bateau. On les entend très nettement siffler et chanter. Ils passent de plus en plus près tournant clairement la tête pour observer ces deux asticots traînés par le bateau.
Prochain objectif : nager avec les baleines…

Joyeux Noël à tous.

Gildas.


NB : notre menu de réveillon :
Pain frais du jour aux tomates séchées et oignons.
Foie gras! accompagné par un Arjolle 2002 liquoreux délicieux
Confit de canard aux haricots blancs et Chinon 99.
Compote maison de Rose Canevet…

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